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France – Cannes

Photographe, directrice de la photographie et cinéaste égyptienne, Haya Khairat a reçu à l’occasion du Festival de Cannes le prix Pierre-Angénieux  « encouragement spécial », dotation remise à de jeunes chefs opérateurs prometteurs. Rencontre avec une jeune femme qui a su se faire une place dans une industrie encore très masculine.

© Haya Khairat

Votre première passion est-elle le cinéma ou la photographie ?

Tout a débuté pour moi avec la photographie. J’ai commencé très jeune à prendre des photos. À l’âge de 16 ans, je faisais le tour des remises de diplômes dans les universités pour faire des shootings. Et quand Instagram s’est lancé, je me suis mise à faire du contenu, et j’ai été repérée par des marques qui m’ont proposé des contrats. Puis, j’ai fait une école de cinéma pour me rapprocher de mon premier rêve.

Instagram est donc un outil important pour vous ?

Oui, en tant que photographe et artiste. C’est important que je retourne là où tout a commencé pour moi, revenir à l’enfant que j’étais, prendre des photos sans contrainte, sans remplir un objectif ou chercher la perfection. Instagram est cette porte de sortie pour moi, je m’y sens libre.

Qu’est-ce qui vous plaît dans le travail de cheffe opératrice ?

Il faut savoir comment danser avec la caméra. Il faut sentir véritablement l’âme du scénario, le jeu et les dialogues des comédiens, notamment pour comprendre comment trouver le meilleur angle, quand faire le point, quand se rapprocher ou s’éloigner. Le directeur de la photographie doit être capable de ressentir, pour traduire au mieux en image le langage du réalisateur. 

© Haya Khairat

Avez-vous rencontré des difficultés en Égypte du fait d’être une femme directrice de la photographie ?

Ô mon Dieu ! Oui, depuis toujours. Lorsque j’ai rejoint le département image de l’Institut du cinéma d’Égypte, j’étais la cinquième ou sixième femme de l’histoire de l’école à être reçue. Dans la classe, j’étais la seule femme avec une quinzaine d’hommes. Lors d’une des épreuves d’admission, un professeur m’a regardée et m’a dit : « Pensez-vous vraiment être capable de porter une caméra ? Pourquoi ne pas avoir choisi le département montage ? C’est dans un bureau, vous aurez l’air conditionné… C’est plus un travail de femme ! » J’ai eu beaucoup de problèmes avec mon look, la manière dont je m’habillais. Si j’ai l’air trop « jolie » sur un tournage, on me fait des commentaires. Ces commentaires vous cassent, vous brisent, chaque jour. Aujourd’hui, je le ressens moins, parce que je me suis fait une place, j’ai prouvé que j’étais capable de faire la même chose qu’un homme. Mais il a fallu que je tienne cinq ans pendant lesquels je suis passée à côté d’opportunités parce que je suis une femme.

© Haya Khairat

Que diriez-vous à une jeune femme qui comme vous souhaite travailler dans le cinéma ? 

Maintenant que j’ai retrouvé mon énergie féminine – que j’ai dû pendant si longtemps masquer –, je lui dirais de ne pas perdre sa féminité. Vous n’avez pas besoin de devenir un homme. Pendant des années, j’ai dû me transformer, être le moins féminine possible, et c’est destructif.

Où vous voyez-vous dans une dizaine d’années ?

Ici, à Cannes, pour présenter un film ! Je reviendrai un jour ici avec un film, j’en suis certaine ! (rires)

© Haya Khairat

Pierre Charpilloz

https://vimeo.com/hayakhairat