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VIVIAN MAIER

Photographe de l’ombre ayant arpenté cinquante années durant les rues de New York et de Chicago son Rolleiflex en bandoulière ou sa caméra Super 8 à la main, Vivian Maier, à peine découverte, apparaît comme faisant partie des plus grands représentants de la street photography. Un oeil aussi perçant et percutant que celui des Diane Arbus, Robert Frank, Helen Levitt ou Garry Winogrand.

Plus de 120 000 images photographiques, nombre de films Super 8 ou 16 mm et d’enregistrements divers, des photographies éparses, et une multitude de pellicules non développées : tel est le corpus d’oeuvres, considérable, découvert en 2007. Aussi mystérieuse qu’audacieuse, la désormais célèbre nourrice photographe (née en 1926 à New York d’un père d’origine austro-hongroise et d’une mère française, décédée en 2009 à Chicago) n’a, en effet, jamais dévoilé sa production artistique de son vivant.

Il est d’autant plus étrange qu’elle ait mené cette double vie de 1951 – date de son premier emploi comme gouvernante d’enfants – à sa mort que, comme l’attestent la qualité plastique, la recherche expressive et l’audace des cadrages et des motifs de ses clichés, mais aussi toute l’organisation de cette double vie secrète (sa salle de bain transformée en laboratoire photographique, les promenades ou les jeux d’enfants transformés en scènes d’observation…), sa pratique de la photographie n’était pas celle d’une dilettante.

 

VIVIAN MAIER

Véritables mises en abîme du dédoublement, ses autoportraits, jouant de la démultiplication et de l’enchâssement de l’image dans l’image par l’usage du miroir ou du séquençage, sont des chefs-d’oeuvre du genre : à travers le reflet d’un miroir ou d’une vitrine, elle apparaît et disparaît sans cesse, comme l’ « oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres » qui regarde et poursuit « dans l’ombre fixement » le Caïn de Victor Hugo.

De même dans ses portraits, souvent fragmentés ou pris à contre-pied, parfois réduits à une ombre, une nuque, des fesses, des jambes ou des mains, et presque toujours mis en scène (par un reflet, une architecture, un cadre ou un cadrage insolite…) ; son regard de photographe transparaît partout.

VIVIAN MAIER

Des gestes les plus insignifiants aux toutes petites choses – ici, une feuille d’écriture coincée dans un arbre, là, une fleur minuscule, un gant ou un journal abandonné sur le sol, quelques feuilles mortes, une flaque ou une fenêtre embuée… –, des corps tronqués aux morceaux de paysages vus à travers une fenêtre ou un pare-brise, chacun de ses clichés témoigne de cette quête de « l’image photographique ».

Du théâtre de la rue au théâtre de l’infime, son oeil perçant et plein d’humanité cisèle, fragmente et grossit le monde des petits riens, du banal, du quotidien, cet « infraordinaire» décrit par Pérec, jusqu’à presque l’abstraire du réel, en révéler la poésie et nous redonner des yeux d’enfant.

www.vivianmaier.com

Par Stéphanie Dulout

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