/
Mêlant art moderne et art contemporain avec bonheur, la foire parisienne du printemps nous a offert une 25e édition réussie entre le 29 mars et le 2 avril derniers. Malgré un secteur « Promesses » dédié aux jeunes galeries et à la création émergente très réduit, nous avons pu faire de belles découvertes, et redécouvertes, à travers les 154 galeries de 25 pays réunies. En voici quelques-unes.


Chez Dilecta, les tout petits tableaux gris de David Kowalski (1979) nous ont frappé par leur étrangeté et leur grande poésie. Étrangeté de leur format réduit, mais aussi de leur cadrage photographique ; étrangeté de leur monochromie qui pourrait laisser penser qu’ils sont dessinés ; étrangeté aussi de leurs motifs répétitifs : des paysages broussailleux de sous-bois laissant émerger des silhouettes fantomatiques de maisons désertes ou des vues d’intérieurs vides aux fenêtres transpercées par des lumières blafardes…

Courtesy Dilecta.
Photo / Nicolas Brasseur
Des paysages peints en grisaille aux allures de décors de contes de fées ou de films noirs… C’est pourtant une grande douceur qui émane de ces toiles élaborées par superposition de couches de peinture effacées, estompées, voire poncées, par endroits. Et c’est sans doute de ce jeu subtil d’ajouts et de retraits de matière que provient la densité vaporeuse de ces paysages silencieux.
Poétiques grisailles
Il fallait lever la tête pour voir la Roof Girl de Mark Jenkins (1970) perchée sur le haut de la cimaise de la Galerie Danysz. Vêtue d’un jean et d’un banal sweat-shirt, les mains dans les poches, le visage penché caché par ses cheveux postiches, cette adolescente fantoche destinée à heurter le passant par sa présence incongrue pouvait passer inaperçue, tout comme la plupart des sculptures du street-artiste américain.

Courtesy Danysz Gallery
Ainsi mise en scène, un peu dans la position du voyeur, dans un lieu et à une place inappropriés, l’adolescente sans visage penchée sur le vide avait pourtant de quoi interpeler le chaland… De même que les visages indéfinis condensant des centaines de visages (photographiés à la chambre) de Laurent Lafolie, évoquant aussi la vulnérabilité de l’être à travers la fragilité de l’image, sur le stand de la Galerie Binôme…

© A2Z Art Galler
Visages troubles
La fragilité, nous l’avons aussi vue magnifiquement mise en abyme dans les collages du photographe et créateur de mode anversois Gert Motmans (1972) montrés à la Galerie Esther Woerdehoff. Composées à partir de photographies déchirées ou de coupures de journaux et de bribes de petits paysages peints mêlant aux visages tronqués des ciels, des montagnes et des mers étales, ces images rapiécées donnent à voir toute la fantasmagorie du souvenir.

Énigmatiques aussi, les grands paysages magnifiquement peints à l’huile de Li Donglu (né en 1982 à Guangzhou en Chine). Des paysages déserts et intemporels, souvent nocturnes, de montagnes glacées, de terre en ébullition, de roches enfumées et de bois embrumés, évoquant quelque cosmogonies primitives annonciatrices du Chaos / mêlant la genèse au chaos…
Plus planants, les paysages palimpsestes de Yann Lacroix : des végétations luxuriantes envahissant des architectures, ou plutôt se superposant à des vues architecturales comme si le temps (ou la mémoire) s’y était déposé par strates.

Une impression rendue par les jeux de transparences et de gradations faisant entrer les couleurs, plus ou moins vives ou délavées, en résonance. De même que les formes qui, entre apparition et disparition, nous plongent dans l’imprécision des réminiscences ou le brouillard des songes. Le paysage ici est Intériorité.
> David Kowalski
Dilecta
49, rue Notre-Dame-de-Nazareth, Paris 3e
> Mark Jenkins
Galerie Danysz
78, rue Amelot, Paris 11e
> Laurent Lafolie
Galerie Binôme
19, rue Charlemagne, Paris 4e
> Gert Motmans
Galerie Esther Woerdehoff
36, rue Falguière, Paris 15e
> Li Donglu
A2Z Gallery
24, rue de l’Échaudé, Paris 6e
> Yann Lacroix
Galerie Anne-Sarah Bénichou
45, rue Chapon, Paris 3e
Stéphanie Dulout