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MARCO BELLOCCHIO FACE À L’HISTOIRE

Avec L’Enlèvement et le documentaire Marx peut attendre, Marco Bellocchio complète admirablement une riche filmographie faite de grandes histoires et de drames intimes. 

Avec L’Enlèvement, le cinéaste Marco Bellocchio s’intéresse une nouvelle fois à un épisode sombre de l’histoire italienne. Nous sommes en 1858, à Bologne. Dans la maison d’une famille juive, des hommes du Vatican font irruption. Leur objectif, sur ordre du cardinal : emmener avec eux un enfant de six ans qui avait été secrètement baptisé par une servante catholique qui le croyait mourant. L’enfant est emmené au Vatican où il sera choyé par le pape Pie IX, tandis que ses parents font tout pour le récupérer. Au-delà du fait divers, Marco Bellocchio dresse dans cette réalisation le portrait d’une époque – l’Italie n’est alors qu’à quelques années de son unification, et l’Église tente tout pour maintenir son pouvoir face à son irrémédiable déclin. L’Enlèvement est bien sûr un film d’époque très classique dans sa forme, même si Bellocchio reconstitue comme personne le faste presque décadent d’une institution séculaire qui refuse de voir le monde changer. Avec ce nouveau long-métrage, le cinéaste de 83 ans ne ménage pas ses critiques contre l’Église, profondément antisémite, repliée sur elle-même, pourrie de l’intérieur et imperméable à toute remise en question. Ce n’est pas la première fois que Bellocchio s’attaque au catholicisme. En 2002, Le Sourire de ma mère – récit d’un artiste athée confronté à l’hypocrisie de sa famille qui souhaite faire canoniser sa mère – avait été interdit par le Vatican.

Film après film, Marco Bellocchio compose un portrait par l’intime de l’Italie, brodant le récit de drames personnels qui font écho à la grande Histoire. Dans Le Traître (2019), le réalisateur raconte les années 1980, et la guerre de la drogue au sein de la mafia sicilienne, à travers le portrait d’un ancien boss repenti. Buongiorno, notte (2003) et sa suite, la série Esterno notte (2022), évoquent l’Italie des années de plomb. Et avec Vincere (2009), c’est bien sûr le fascisme qui est raconté à travers le portrait de la maîtresse de Mussolini et de leur fils illégitime. Mais ces dernières années, Marco Bellocchio s’est intéressé à une autre histoire, plus personnelle. Une histoire oubliée, une absence : celle de son frère jumeau, Camillo, décédé en 1968. Marx peut attendre, enfin disponible en France, est un film à part dans l’œuvre de Bellocchio. Un documentaire d’archives et de souvenirs, le portrait d’un fantôme, d’une histoire qui n’a jamais pu s’écrire. Le film d’un homme qui n’a pas peur de confronter le passé au présent. 

PIERRE CHARPILLOZ

L’Enlèvement et Marx peut attendre de Marco Bellocchio, 

En salles à partir du 1er novembre