France – Saint-Paul-de-Vence
Mythique « château » des avant-gardes, modèle de dépouillement architectural aux lignes orthogonales, « castel cubiste et minimal 1 », la villa Noailles, nichée sur les hauteurs de Hyères, dans le Var, fut dans les années 1920 un véritable laboratoire du design, préfigurant un nouvel art de vivre. Commandée par Charles et Marie-Laure de Noailles à l’architecte Robert Mallet-Stevens, fondateur de l’Union des artistes modernes, elle sera meublée par des artisans prônant le purisme et le fonctionnalisme, dans la droite ligne du « less is more » du chef de file du mouvement moderniste Mies van der Rohe.
Rejeté en son temps pour la simplicité de ses lignes, le mobilier imaginé par les créateurs du mouvement moderne serait tombé dans l’oubli s’il n’avait été redécouvert et réédité par Andrée Putman à la fin des années 1970. C’est en 1978, alors qu’elle est âgée de 53 ans, que la créatrice fonde la société Ecart International pour rééditer ce mobilier oublié, qu’elle utilisera dans la plupart de ses réaménagements. Forte de son succès, la grande dame du design aura ainsi fait sortir de l’ombre des pièces maîtresses signées Eileen Gray, Pierre Chareau, Djo-Bourgeois, Francis Jourdain ou Mallet-Stevens.
Telle est l’histoire qui nous est racontée, en association avec la villa Noailles – qui fête cette année son centenaire, mais aussi les vingt ans de son centre d’art contemporain – dans l’une des ailes de la magnifique Fondation CAB sise sur les hauteurs de Saint-Paul-de-Vence. On y voit quelques pièces maîtresses du catalogue Ecart issues de meubles disparus ou restés à l’état de dessins ou de prototypes qui, « ressuscités » et réemployés par Andrée Putman, deviendront des best-sellers dans les années 1980 : face au succès qu’elle rencontre avec ces rééditions et pour répondre à la demande de quelques clients prestigieux, elle fonde en 1984 son agence d’architecture intérieure.
De l’hôtel Morgans à New York au Centre d’arts plastiques contemporains de Bordeaux, en passant par les aménagements qu’elle conçoit pour Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent ou Azzedine Alaïa, elle utilise ces rééditions des années 1920 aux quatre coins de la planète en suivant toujours la même ligne épurée conduisant le classicisme, fait de mesure et d’équilibre, jusqu’au minimalisme : « Ôter des couleurs. Faire disparaître. Soustraire […] je crois que cette opération – la soustraction – est à la base de tout mon travail. […] Très jeune, j’ai acheté des tableaux à des peintres loin d’être consacrés. Pour bien les voir et les montrer, il me fallait simplifier l’espace qui les accueillait. […] J’ai établi un équilibre entre ce qui doit disparaître et ce qui doit apparaître avec force ; c’est dans cet espace que j’interviens […] »
- Katia Pecnik, « Villa Noailles : un château au service des avant-gardes »in Modernes Arcadies, éd. Archives d’architectures modernes (éditions AAM), 2017
La Fondation CAB de Saint-Paul-de-Vence a été fondée en 2021 par le collectionneur belge Hubert Bonnet, neuf ans après la création de la fondation mère à Bruxelles. Le bâtiment moderniste des années 1950 rénové dans le style épuré de l’architecte d’intérieur Charles Zana est dédié à la mise en valeur de l’art minimal et conceptuel international. À travers des expositions et des résidences, la Fondation présente le travail d’artistes historiques, confirmés et émergents influencés par l’art minimal et conceptuel. Dotée d’une collection de sculptures minimalistes disposées outdoor, d’un charmant café-restaurant et de non moins charmantes chambres d’hôtes, dont une irrésistible maison démontable de Jean Prouvé, meublée de pièces signées Le Corbusier, Pierre Jeanneret ou Charlotte Perriand, elle est le havre de paix rêvé en cette région fréquentée…
« Andrée Putman et les créateurs du mouvement moderne »
Fondation CAB
5766, chemin des Trious, Saint-Paul-de-Vence
Jusqu’au 29 octobre 2023