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FESTIVAL DE CANNES

LES GRANDES FIGURES DU PALMARÈS 

France – Cannes

Photo © Jack Garofalo/Paris Match/Scoop – Création graphique © Hartland Villa

Avec son impressionnant film de procès, Anatomie d’une chute, Justine Triet est la deuxième réalisatrice française – et la troisième femme – à obtenir la Palme d’or du Festival de Cannes. Elle succède à Julia Ducournau, membre du jury cette année, récompensée pour Titane en 2021. Avec son quatrième long-métrage distingué par la récompense suprême, Justine Triet complète le grand chelem cannois : son premier film La Bataille de Solférino était présenté en 2013 à l’ACID, sélection parallèle dédiée aux cinéastes émergents ; son film suivant, Victoria, a fait l’ouverture de la Semaine de la critique du festival en 2016 ; puis Sibyl fut en compétition officielle en 2019. Ainsi auréolée de la Palme d’or quatre ans plus tard, elle signe un parcours exemplaire. On peut saluer également au palmarès le Prix d’interprétation masculine décerné à l’acteur japonais Kōji Yakusho pour son rôle tout en retenue et profondément émouvant dans le très beau Perfect Days de Wim Wenders. Il faut noter également que le Prix de la mise en scène est revenu au film le plus étonnant de la sélection, La Passion de Dodin-Bouffant de Trân Anh Hùng, long-métrage tout en tendresse, véritable déclaration d’amour à la gastronomie traditionnelle française. Enfin, The Zone of Interest de Jonathan Glazer, film puissant, dérangeant et d’une rare maîtrise narrant le quotidien de Rudolf Höss, directeur d’Auschwitz, et de sa famille, dans leur grande villa à proximité immédiate du camp d’extermination, repart avec le Grand Prix.

Anatomie d’une chute
© Les films Pelléas – Les films de Pierre
Le palmarès complet :

Palme d’or : Anatomie d’une chute de Justine Triet
Grand Prix : The Zone of Interest de Jonathan Glazer
Prix de la mise en scène : La Passion de Dodin-Bouffant de Trân Anh Hùng
Prix du scénario : Monster de Hirokazu Kore-eda
Prix du jury : Les Feuilles mortes de Aki Kaurismäki
Prix d’interprétation féminine : Merve Dizdar dans Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan
Prix d’interprétation masculine : Kōji Yakusho dans Perfect Days de Wim Wenders
Palme d’or du court-métrage : 27 de Flóra Anna Buda
Caméra d’or : L’Arbre aux papillons d’or de An Pham Thien

© Christophe Bouillon
TROIS AUTRES FILMS MARQUANTS DANS LES SÉLECTIONS PARALLÈLES 
Occupied City de Steve McQueen (Séance spéciale)

Cinéaste éclectique (Shame, 12 Years a Slave, mini-série Small Axe…) et figure de l’art contemporain (prix Turner en 1999), le cinéaste britannique Steve McQueen était de retour à Cannes pour présenter un documentaire-fleuve – quatre heures et demie avec entracte – et dense sur sa ville, Amsterdam. Il y vit  depuis une quinzaine d’années avec sa compagne, la réalisatrice et historienne hollandaise Bianca Stigter. C’est elle qui est à l’origine de ce documentaire passionnant et précis, où une voix off (la sienne) décrit sans affect la vie de divers lieux, bâtiments, adresses ou places de la capitale des Pays-Bas pendant l’occupation allemande. À ces descriptions souvent glaçantes, Steve McQueen fait le choix de ne joindre aucune image d’archive. À la place, il filme ces mêmes lieux aujourd’hui ; ou plutôt durant les moments historiques récents qui ont marqué le tournage du film, comme la crise de COVID-19 qui a fortement marqué la ville et ses bâtiments. Avec ce concept finalement assez simple, le cinéaste provoque un choc des images et du discours,  offrant une intense matière à réflexion sur le travail de mémoire et le devenir d’une ville.

Occupied City Steve McQueen
©A24 ©Family Affair Films & Lammas Park

Occupied City de Steve McQueen
Sortie en salles prochainement 

The Sweet East de Sean Price Williams (Quinzaine des cinéastes)

Premier long-métrage d’un cinéaste déjà remarqué comme directeur de la photographie emblématique du nouveau cinéma indépendant new-yorkais (chez Alex Ross Perry et les frères Safdie, notamment), The Sweet East est une surprenante comédie en forme de conte de fées dans l’Amérique contemporaine. Dans ce film tourné en 16 mm, avec son image granuleuse qui fait sa signature, Williams nous embarque dans une virée dans l’est des États-Unis, suivant la fugue d’une lycéenne (l’impressionnante Talia Ryder) et ses rencontres avec divers personnages hauts en couleur (dont un prof de fac néo-nazi tendance QAnon interprété par le génial Simon Rex, découvert à Cannes en 2021 dans Red Rocket de Sean Baker). Sous ses aspects baroques et intemporels, The Sweet East est certainement la comédie la plus délicieusement contemporaine du festival. 

The Sweet East, Sean Price Williams
© Press Pic

The Sweet East de Sean Price Williams
Sortie en salles prochainement 

Le Règne animal de Thomas Cailley (Un certain regard)

Voilà neuf ans qu’on attendait le retour de Thomas Cailley au cinéma, depuis le formidable Les Combattants, avec Adèle Haenel, sorti en 2014. Le cinéaste français a signé son come-back en ouverture de la sélection Un certain regard du Festival de Cannes avec Le Règne animal, son deuxième long-métrage. Dans ce récit de science-fiction, aussi intimiste que spectaculaire, et faisant appel à de nombreux effets spéciaux, Thomas Cailley décrit un monde où des mutations génétiques ont fait apparaître des êtres hybrides, mi-hommes, mi-animaux. Alors que cette étrange maladie qui transforme l’humain en bête sauvage frappe une famille réfugiée dans le sud de la France, les individus vont devoir apprendre à cohabiter avec leurs frères animaux.

Porté par un casting impeccable (Romain Duris, Paul Kircher, la toujours parfaite Adèle Exarchopoulos, mais aussi Tom Mercier, découvert dans  Synonymes de Nadav Lapid), Le Règne animal s’aventure audacieusement sur un terrain peu exploré par le cinéma français : le récit fantastique d’anticipation. Il offre une parabole passionnante sur le rapport entre l’homme et la nature – et on sait Thomas Cailley très engagé sur les questions d’écologie (déjà au cœur des Combattants). Le Règne animal poursuit dans la même veine avec ce film écrit pendant la pandémie de COVID-19. Ayant remarqué à quelle vitesse la population s’est habituée à des changements profonds liés au confinement, comme l’apparition de sangliers en pleine ville, le cinéaste et sa co-scénariste Pauline Murier ont la conviction que l’homme s’adapte très vite. Tant qu’il n’est pas trop tard.

Le Règne animal
© 2023 Nord ouest Films, Studio Canal, France 2 Cinéma, Artémis Production 

Le Règne animal de Thomas Cailley
Sortie en salles le 4 octobre 2023

Pierre Charpilloz