Interview
Il y a plus d’un an, la star incontestée de notre époque s’installait à Paris. Auteure d’oeuvres profondes et sensuelles, réalisatrice, scénariste, actrice… ces multiples talents ne sont que la partie émergée de l’iceberg de la riche personnalité et du génie de Renata Litvinova. Aujourd’hui, comme beaucoup de personnes qui ont quitté la Russie, elle repart de zéro. Et ce nouveau parcours sera celui du bonheur.
« Aujourd’hui, je ne suis personne, mais bientôt je serai extrêmement importante pour les gens qui me reconnaîtront », commence par raconter Renata, poursuivant : « Je connais le positif ou le négatif, mais pas l’indifférence. De rien, je vais devenir quelque chose. En recommençant ma vie, je me sens de nouveau jeune, je découvre tout une nouvelle fois. Je me suis levée ce matin avec le sentiment d’être la personne la plus étonnée du monde. Je suis stupéfaite, je suis en état de choc, je n’arrive pas à me remettre des événements. Mais c’est étonnant que cela ne fasse pas de moi une personne plus méchante, plus détruite. Je suis surprise dans tous les sens du terme, mais cela ne m’a pas brisée, ne m’a pas brûlée. »
Depuis de nombreuses années, Renata crée des projets, réunissant de multiples forces créatrices entre ses mains fragiles : scénariste, réalisatrice, actrice de premier plan… « Je n’aurais pas réussi autrement. Sinon, je dois me soumettre aux autres, et leurs perspectives sont très étroites. Il est intéressant pour moi de travailler exclusivement avec des génies : Kira Muratova, Alexey Balabanov, Peter Greenaway, Rustam Khamdamov, Alexander Mitta, Zemfira. Et si une personne n’est pas un génie, cela ne vaut pas la peine de perdre du temps avec elle. » La seule chose que Renata regrette est qu’il ne soit pas possible de se scinder en deux pour être à la fois derrière et devant la caméra. Il lui est plus commode de tout réaliser elle-même, avec la contribution de deux personnes seulement, des amis fiables dont elle ne vérifie jamais le travail et ne doute pas du brillant résultat : la musicienne Zemfira Ramazanova et le directeur artistique de Balenciaga, Demna Gvasalia. C’est le styliste qui a dessiné les robes de la pièce Cactus, que le public a pu voir depuis le début de l’année à Paris, Londres et Limassol. « J’ai dit à Demna : “D’abord, le public devra se remettre de la vision des robes. Ensuite, il faut qu’il saisisse de quoi parle la pièce. Puis, il doit écouter la musique de Zemfira et comprendre le sens de la chanson, avant d’enchaîner avec une séquence vidéo. Le pauvre spectateur est condamné à absorber beaucoup d’informations. Dans un sens, cette performance est un travail sur nous-même où nous nous emplissons d’un concentré d’art.” » Le travail sur la pièce avait commencé avant la guerre. Une histoire sur le début d’un amour et la séparation, qui est un drame pour chaque personne et que Renata réussit à décrire comme aucun autre de ses contemporains : « La douleur est toujours une source d’inspiration. Quand on est heureux, on n’écrit pas. D’un autre côté, c’est aussi cela le bonheur : transformer son malheur en bonheur. Pour moi, l’amour est quelque chose de sanglant. Une vie heureuse existe-t-elle ? Peut-être que oui, pour certaines personnes, mais je n’en ai pas rencontré. »
Renata Litvinova est une actrice et réalisatrice emblématique du cinéma d’art et d’essai moderne. Artiste de niche préservant son intimité, elle partage son travail avec des millions de spectateurs et de lecteurs : « Les femmes sont étrangement inspirées et veulent en même temps s’approprier une partie de moi, rivaliser avec moi et être comme moi. Mais elles sont d’extraordinaires intellectuelles, des esthètes. Et une partie du public fait preuve d’un grand scepticisme à l’égard des femmes artistes à la forte personnalité, en particulier les hommes. »
Renata est une icône de style reconnue et un modèle de beauté féminine. Depuis cinq ans, elle est l’amie et la muse de Demna Gvasalia, s’habillant de ses robes extraordinaires : « Demna est une telle pointure, une personne de grande qualité ! Artiste brillant, il a fait table rase de tout ce qui était ancien dans la mode pour lancer tout ce qui était nouveau, accomplissant une sorte de révolution. Rien ne me va mieux que ses robes. J’en ai une, une deuxième, une troisième… et il m’en faut 150 de plus ! Demna est en train de créer une robe pour moi, je ne peux pas encore tout vous révéler, car c’est un secret, mais je vais vous dire de quoi il s’agit. Vous vous souvenez que la princesse Diana avait une revenge dress (robe de la vengeance) qui lui a permis de se venger du prince Charles sans prononcer un seul mot ? Une robe tellement saisissante, quoi qu’il arrive, en dépit de tout. La robe que j’aurai sera stupéfiante d’une tout autre manière, mais la tâche créative est accomplie. »
Transformant une émigration forcée en expansion créative, Renata constate qu’ici, en France, il y a curieusement plus de travail et de liberté : « Peut-être qu’à l’aube de ma septième vie, comme les chats, je me calmerai et passerai au rang de simple écrivain. Et comme ma grand-mère me l’a prédit, je connaîtrai ma vraie réussite lorsque j’écrirai un grand livre. J’y décrirai peut-être ma vie. Et croyez-moi, il y aura beaucoup de chapitres ! »
À la fin de notre conversation, je lui demande ce qui est le plus difficile : « Quand tout est difficile, choisissons un moment de la vie quotidienne et concentrons-nous sur des problèmes concrets. Maintenant, j’ai besoin d’apprendre le français. J’ai lu quelque part : “Et soudain, elle fut frappée par la foudre, et elle parla le français le plus pur !” Je suis prête à être frappée par la foudre pour cela. »
PHOTOGRAPH AND ART DIRECTOR
Eseniya Araslanova
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PHOTO ASSISTANT
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STYLING
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STYLE ASSISTANT
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CENTÁ
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MUA
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HAIRSTYLE
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INTERVIEW
Alexey Nilov
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BACKSTAGE
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PROJECT INITIATIVE AND PRODUCTION
Le GlowProject
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By @Mynoanna