
« Cherchant à donner corps à l’organicité de l’encre, mise à l’épreuve de l’eau et du sel sur papier, j’ai dessiné un souffle, plongé dans un flux d’air, de lumière, de matière. Corps à corps avec les poumons du monde, auxquels nos existences sont reliées. » C’est à un véritable corps à corps avec le paysage que se livre Yann Bagot en dessinant in situ à l’encre, à l’eau et au sel les chaos de rochers ou les mousses et les troncs des forêts. Semblable à ce « vitrail vivant » que l’artiste voit dans « la percée de la lumière à travers les feuillages », son œuvre est un flux de matière, d’ombre et de lumière.

En partie fruits du hasard – du fait de l’usage de l’eau et du sel –, ses roches et ses écorces « piquées » semblent respirer et palpiter en leurs concrétions. Flux figés – et semblant pourtant mouvants – de noirs et de gris pailletés de blancheurs salines, comme cristallisées, les coulées, telle la tache, oscillant sans cesse entre la forme et l’informe, se font métaphores de vie et dessinent, in vivo, les mouvements et les métamorphoses organiques. Cristallisations antédiluviennes, ses rochers monumentaux, dans leurs manteaux argentés et poudreux, apparaissent aussi comme une métaphore du temps. Du végétal au minéral, en communion avec la sève suintant et crépitant sous les mousses et les écorces, les embruns et le souffle du vent caressant les pierres immobiles, Yann Bagot essaie « d’intensifier les pouvoirs de la matière ». Une quête presque alchimique, fascinante et magnifique.

Exposition personnelle « L’heure intime du monde » – Galerie Robet Dantec
5, place de la Grande-Fontaine, Belfort
Jusqu’au 17 décembre 2022
Exposition collective « Monochromes » – Atelier Tristan Vyskoc
70, avenue de la Grande-Armée, Paris 17e
Jusqu’au 12 janvier 2023
Stéphanie Dulout