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Grégoire Scalabre, la passion de la céramique

C’est une passion, celle du travail de la terre, qui anime Grégoire Scalabre. À la fois sculpteur et enseignant, il aborde la céramique avec un nouveau regard qu’il dévoile à l’international, notamment avec son dernier projet à l’exposition vénitienne Homo Faber. Rencontre avec l’artiste. 

  1. Parlez-nous de votre rencontre avec la céramique. 

J’ai eu un parcours scolaire atypique, car le modèle éducatif ne me convenait pas. C’est très jeune, à l’âge de 7 ans, lors d’un stage, que j’ai découvert la céramique. Et à 10 ans j’ai su que je souhaitais devenir céramiste. J’ai eu la chance d’avoir une famille qui m’a aidé et encouragé vers ce chemin. Je suis donc parti dans le Sud apprendre le métier auprès d’un céramiste avant d’intégrer une formation supérieure. C’est un métier que je vis avec passion et qui m’a complétement construit.

  1. Comment avez-vous débuté la sculpture ? 

Les études en céramique nous forment dans l’univers des pièces utilitaires et non pas dans le développement créatif. Je suis donc autodidacte dans le dessin. C’est lorsque je suis entré en résidence à la Manufacture de Sèvres en 2008 que j’ai commencé la sculpture et qu’est née ma première pièce d’accumulations, Astrée. À ce moment, je travaillais sur l’architecture haussmannienne. Je façonnais des sculptures tout en courbes qui s’inspiraient des intérieurs et des moulures parisiens. Avec David Caméo, alors directeur de la Cité de la Céramique, nous nous sommes mis d’accord pour que je réalise cette parenthèse de recherche sur l’accumulation. 

  1. Quel est votre procédé pour créer vos accumulations ?

Pour Astrée et les accumulations qui ont suivi, je me suis concentré sur la technique traditionnelle du tournage « à la motte », une méthode spécifique où l’on isole la partie supérieure d’une masse de terre pour façonner de petites formes – ici, des amphores. C’est un travail long et très minutieux, car une pièce telle que Astrée est composée de plus de 10 000 miniatures tournées puis émaillées !

  1. Vous avez repris ce travail pour votre dernier projet, L’Ultime Métamorphose de Thétis, pour l’exposition Homo Faber 2022 à Venise ? 

Oui ! C’est David Caméo, devenu commissaire d’Homo Faber, qui m’a contacté pour participer à la nouvelle édition. J’ai tout de suite accepté car l’endroit est prestigieux et nous avions carte blanche pour la production de l’œuvre. J’ai donc repris le travail d’accumulation. Ce fut un travail titanesque ! Tout d’abord par le tournage, avec l’aide d’assistants, de 70 000 miniatures qui composent cette structure en fibre de verre et en acier de 4 m2. Et ensuite par la composition dont j’ai facilité le déroulement grâce à un système de velcro pour coller chaque miniature. 

  1. À côté des accumulations, vous menez également un travail sur l’architecture haussmannienne ?

J’aime travailler par phase. Me concentrer sur les accumulations puis faire une pause et reprendre un autre travail. Avec le temps, le projet Haussmann est devenu Mouvement Perpétuel. C’est un travail de modelage, plus monumental, qui fait référence à la torsion, aux formes concaves et convexes. Ici, j’ai pu jouer sur l’ambiguïté de la matière et brouiller ainsi les pistes. On ne sait plus si l’œuvre est en marbre ou en fonte. Pour certaines pièces, j’ai, par exemple, utilisé de la poudre de marbre et sauté l’étape de l’émail. Les pièces sont juste biscuitées, cuites une seule fois, et restent donc poreuses. J’y projette ensuite plusieurs couches de poudre de marbre, allant des teintes claires au teintes foncées avant de poncer pour dégager les couches plus claires. Les pièces sont alors jaspées, créant un effet d’usure, de patine comme on peut voir sur le bronze oxydé.

  1. Souhaitez-vous faire évoluer ce projet ? 

Pour ce projet, je souhaiterais faire évoluer les pièces en extérieur. Le fait qu’elles soient uniquement biscuitées leur permet de changer au fil des saisons et donc d’y voir apparaître de la végétation, comme une sculpture qui se draperait de la nature. J’aimerais également intégrer mon projet Akanta débuté en 2010 dans cette interaction avec la nature. C’est un travail de couronne en céramique qui s’inspire des ronces.

  1. Vous êtes sculpteur, mais aussi enseignant. Est-ce un rôle important ? 

Cela fait 15 ans que je partage mon temps entre l’enseignement et la production de pièces sculpturales. C’est à la fois quelque chose qui me plaît vraiment, un rendez-vous avec les élèves et un modèle économique. Je souhaite pouvoir véhiculer cette passion qui m’anime et, en même temps, prendre mon temps pour produire mes pièces et participer à des expositions. Car la céramique, c’est un travail que je fais pour moi, pour générer de l’émotion et raconter des histoires. J’ai donc imaginé des modules qui s’adressent à des personnes en reconversion ou des professionnels qui peuvent garder leur activité professionnelle, se former à la céramique et préparer le CAP. Je suis si reconnaissant envers ce métier et passionné par lui qu’intrinsèquement j’ai à cœur de le transmettre.  

https://www.gregoire-scalabre.com/fr/

Louise Conesa