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GEORGIA O’KEEFFE

L’INSTINCT DE LA MODERNITÉ

Des fleurs, qu’elle a peintes comme des monuments, elle a fait flamboyer les sucs. Des os de bovins, elle a fait desantres cosmiques. Cadrages en gros plan ou en contre plongée, formes très découpées, couleurs synthétiques…Ni tout à fait naturaliste, ni tout à fait irréel, le monde, sans ombres, de Georgia O’Keeffe (1887-1986) est à nul autre pareil. De fait, c’est ce que recherchait cette figure du modernisme américain : se distinguer.

 

Comprenant que si elle peignait des fleurs à la manière de Fantin-Latour, nul de la remarquerait, elle entreprit d’en faire des motifs monumentaux – des totems érotiques, diront nombre de ses contemporains sous influence freudienne… À la croisée du précisionnisme (courant cubo-réaliste américain auquel elle fut affiliée à ses débuts), de l’abstraction et du surréalisme, elle inventera un monde transcendentaliste, un univers biomorphique semblant fusionner la forme et l’esprit, faire affleurer l’âme des choses et des éléments, révéler la genèse et les métamorphoses du vivant en une troublante cosmogonie.

Qu’il s’agisse d’un arbre ou d’un building théâtralisé par un cadrage en contre-plongée et un éclairage lunaire, d’une corolle ouverte comme un lit nuptial (White Flower No. 1, 1932) ou une vulve palpitante (Inside Red Canna, 1919), de la sensualité d’une moule luisante et nacrée enchâssée dans une coquille (Clam and Mussel, 1926) ou des ondoiements voluptueux de sombres collines (Black Place II, 1945), tous ses motifs – peints en vision rapprochée, selon la technique du blow up (agrandissement) empruntée aux nouveaux représentants de la straight photography (photographie pure) – sont une promesse de vie. Pour preuve, la rose blanche ornant l’immense crâne cornu suspendu au-dessus du désert indien – tableau iconique de l’artiste ayant fait du Nouveau- Mexique sa terre d’adoption. Là où elle découvrira le bonheur « d’accéder au sentiment de l’infini sur une ligne d’horizon ou par-delà les collines […] et de transmettre la vertigineuse beauté de l’immensité ».

Jusqu’au 6 décembre Centre Georges Pompidou

 

Par Stéphanie Dulout

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