Nantes – France
À l’heure des utopies transhumanistes et de la chirurgie esthétique, quel regard posons-nous sur nos corps imparfaits ? Née aux États-Unis dans les années 1960, la sculpture hyperréaliste connaît un regain d’intérêt propre à nous interroger : après le musée Maillol et la Fondation Beyeler 1, la voici à l’honneur au Musée d’arts de Nantes, seule collection publique française à conserver une sculpture du maître du genre, Duane Hanson. Aux côtés de sa marchande de livres et de tableaux plus vraie que nature (moulée dans une résine de polyester, mais habillée de vrais vêtements et accessoires), sont présentées une quarantaine d’œuvres de onze artistes internationaux dont Marc Sijan, Tony Matelli, Gilles Barbier ou Daniel Firman
Trompe-l’œil
Aux jeunes cagoulés ou casqués de ce dernier font écho les chuchotements des figures ensevelies sous des couvertures « tels des fantômes de tragédies humaines » de Berlinde De Bruyckere, ou la chaussure surgissant sous un fascinant couvre-lit amassé en céramique de Saana Murtti. Aux bébés fripés en silicone de Sam Jinks (2013) répond le visage ridé et grimaçant de la vieille dame en grès peint de Tip Toland (2021). Non moins époustouflant de réalisme, le buste de dos en bronze patiné d’Evan Penny (2009) parvenant à rendre non seulement la tension des muscles et de l’ossature mais aussi la luisance de la peau…
Effet miroir
« Jusqu’où voulez-vous pousser la ”vérité” de vos sculptures ? », demandait en 1972 un journaliste du magazine Art in America à John DeAndrea, l’un des pionniers du genre auquel la galerie Vallois consacre une exposition à Paris. « Je veux qu’elles respirent », répondit celui-ci. Et nous voici face à cette illusion, cette véracité trompeuse, indéniablement troublés, partagés entre la fascination pour l’illusionnisme parfait reproduisant le corps humain dans ses moindres détails et une certaine répulsion pour la morbidité de ces mannequins inertes…
Brouillant les frontières entre art et réalité, par-delà la prouesse technique de la réalisation, par-delà le rendu méticuleux de ces corps non idéalisés (des rides au grain de peau…), et par-delà leur « absolue immobilité », ces sculptures ne se situeraient-elles pas du côté de l’art vivant, s’interroge Katell Jaffrès, commissaire scientifique de l’exposition ? « Une forme d’art vivant, à l’instar du théâtre qui, nous plaçant à distance de nous-mêmes, permet de nous regarder autrement ? »
- « Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps », musée Maillol, Paris, 7 sept. – 8 janvier 2023 ; « l’Hyperréalisme face à 150 ans d’art », fondation Beyeler, Riehen (Suisse), 30 oct.- 8 janvier 2023
« Hyper sensible. Un regard sur la sculpture hyperréaliste »
Jusqu’au 3 septembre 2023
Musée d’Arts de Nantes
museedartsdenantes.nantesmetropole.fr/home/informations-actus/expositions/hyper-sensible/lexposition.html
« John DeAndrea – Grâce »
Du 9 juin au 22 juillet 2023
Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois
galerie-vallois.com
ET AUSSI
« Ron Mueck »
Jusqu’au 5 novembre 2023
Fondation Cartier
fondationcartier.com/en/exhibitions/ron-mueck-2
« Hans Op De Beeck – Silence et résonance »
Jusqu’au 3 septembre 2023
Musée de Flandre, Cassel
museedeflandre.fr