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Julien Fournié, un grand couturier à l’ère du métavers

Julien Fournié est l’un des grands couturiers les plus avant-gardistes de sa génération. Pionnier depuis 2011 dans l’intégration de tenues haute couture imaginées pour des plateformes de jeux vidéo comme PUBG Mobile, fan de gaming et de cinéma, il collabore avec Tencent, le géant chinois du digital – pas moins d’un milliard d’utilisateurs dans le monde –, en créant des looks pour les jeux de Battle Royale. Le styliste est également l’un des seuls créateurs à avoir reçu dans son atelier Tim Cook, directeur général d’Apple, et à devenir l’un des ambassadeurs de l’Ipad Pro.   

Julien Fournié s’est livré dans une interview pour ACUMEN où il nous confie son point de vue sur l’avenir de la 3D et du métavers dans la haute couture et dans notre société. Selon une étude réalisée par Gartner, une personne sur quatre passera au moins une heure par jour dans le métavers en 2026. 

Le 25 janvier dernier, vous avez dévoilé votre collection First Love dans un film entremêlant réalisme et virtuel ; vous avez également créé les tenues du jeu vidéo de PUBG Mobile : est-ce que le processus créatif dans le métavers est identique à celui dune collection dite «  normale  » ?

« La première fois que nous avons collaboré avec Tencent, c’était pour un happy new year fantasmagorique, où j’avais dessiné des tenues spécifiques en créant des looks proches de la réalité. PUBG mobile souhaitait une corrélation directe avec le monde réel. Nous sommes partis de dessins 2D pour les transformer en 3D. Je tisse sans cesse un lien entre le virtuel et le réel, notamment pour les broderies qui sont créées pour être au plus proche de la réalité. Pour concevoir une robe, le dessin est extrêmement précis : je suis un technicien. Il faut soigner chaque détail (p. ex. connaître exactement la position d’un zip), afin de finaliser parfaitement les dessins, réalisés sur l’Ipad Pro. Les dessins sont extrêmement définis dans le but de permettre à Tencent la réalisation des pièces en 3D.   

Je me suis intéressé au fonctionnement des jeux vidéo et des dessins animés. Je suis arrivé avec un savoir-faire qui m’a permis de créer un pont intellectuel entre les traditions de la haute couture et l’ultra innovation que l’on peut retrouver chez Tencent, comme créer des tissus en virtuel. J’ai tout dessiné et tout décidé de A à Z, comme pour une collection de haute couture. 

Préférez-vous créer des tenues pour vos collections ou pour le métavers ? 

Les deux sont un terrain de jeu : l’un est virtuel et l’autre est réel. Ce qui diffère un peu, c’est que pour le métavers, on peut se donner la chance d’être encore plus fou et dément, par exemple en créant des casques avec des gants en plume rose qu’on ne porterait pas dans la vraie vie.

Ce qui est génial, c’est lorsqu’il y a une vraie corrélation entre les pièces conçues pour le jeu vidéo et ce que l’on porte dans la réalité : on peut expérimenter une limite, en se challengeant virtuellement – Est-ce que ce modèle me va vraiment ? – avant d’acheter la pièce réelle. Demain avec Julien Fournié digital, on construira une garde-robe virtuelle et l’on pourra entrer dans n’importe quel métavers. À terme, j’aimerais qu’on puisse s’habiller chez Julien Fournié en virtuel, créer son avatar, l’acheter en NFT puis entrer dans n’importe quel jeu vidéo.

Tout est-il possible ou existe-t-il des contraintes ? Si oui, lesquelles ?

Dans les jeux vidéo, les personnages fémininsne sont pas en adéquation avec la réalité, mais par des systèmes de coupes innovantes, on peut resserrer les tailles. En implémentant le système, Tencent a réussi à obtenir le résultat que je souhaitais.

Comment voyez-vous lavenir de la 3D et du métavers dans notre société ? 

Je suis fan des métavers ! Quand je sais qu’il y a des personnes extrêmement esseulées, que ce soit dans leurs rapports aux autres ou dans leur transformation, le métavers pourrait devenir une porte d’ouverture et de liberté pour toute cette génération qui n’a pas eu la chance de s’exprimer dans le monde réel et de se créer une communauté. Ces mondes virtuels permettront de s’émanciper et de pouvoir tester des looks qu’on ne pourrait pas porter dans la vie de tous les jours.

Le métavers pourrait également permettre d’opérer. Si demain votre enfant naît avec une malformation du cœur et que le spécialiste de l’implantation de l’aorte est au Japon et que le spécialiste de tout ce qui est alvéolaire se trouve au Brésil, comment fait-on ? Demain, on pourra peut-être digitaliser ce cœur, demander aux médecins de porter des casques en réalité augmentée, afin qu’ils puissent voir les gestes, s’améliorer et former un médecin qui se trouve en France. À terme, on n’aura pas besoin de faire venir ces deux spécialistes à Paris pour sauver cet enfant.  

La transmission du savoir sera également possible. Ainsi, si on a des capteurs sur les mains de notre première d’atelier, Madame Jacqueline, on pourra suivre ses gestes et ses mouvements lorsqu’elle fait une couture anglaise ou un retour. On aura donc des archives de savoir-vivre, de savoir-faire, et on pourra transmettre ce savoir grâce à la 3D. » 

Ainsi, selon le grand couturier, la 3D et le métavers sont bien plus que prometteurs : ils permettraient de se tester, d’apprendre ou encore de se téléporter dans d’autres dimensions – avec chic. Le créateur atteste que l’« on ne peut pas aller contre linnovation, mais qu’il faut pouvoir la cadrer ». 

Retrouvez toutes les collections de Julien Fournié sur son site internet : https://www.julienfournie.com

Flora di Carlo