Partager l'article

Guendalina Litta, la magicienne de l’éphémère

Depuis près de quarante ans, Guendalina Litta crée du rêve. Plus précisément, cette discrète Italienne vivant en Belgique met en scène des événements d’exception aux quatre coins du monde pour une clientèle exigeante. Sa créativité sans cesse renouvelée, toujours dans un style inimitable, alliée à une efficacité logistique sans faille et à une bonne humeur à toute épreuve lui valent d’être l’une des ordonnatrices de soirées les plus demandées d’Europe.

Veillant à chaque détail, de la conception au déroulement de la soirée, Guendalina Litta mobilise des artisans d’exception – fleuristes, traiteurs, calligraphes, architectes décorateurs mais aussi danseurs, musiciens, comédiens – pour transformer les événements qu’on lui confie en de sublimes expériences immersives sur mesure, en leur donnant un caractère véritablement exceptionnel. Guendalina Litta sait comme nulle autre souligner l’esprit d’un lieu, magnifier la nature, et parfaitement retranscrire les désirs de ses commanditaires à travers ses créations originales. Nuages de roses flottant dans les airs, forêts enchantées d’arbres candélabres ou jungles exotiques peuplées d’oiseaux de paradis, parcs métamorphosés en palais féeriques… elle réinvente l’art de célébrer à chaque festivité pour créer des moments d’émerveillement qui, s’ils ne durent que quelques heures, laissent des souvenirs inoubliables à chacun des invités. 

Grâce aux photographes, Guendalina Litta a pu conserver la trace de ces moments aussi magiques qu’éphémères. Elle publie aujourd’hui son deuxième livre qui dévoile quelques-unes de ses réalisations ainsi que le travail effectué en coulisse par ses équipes. Nous l’avons rencontrée à cette occasion pour en savoir plus sur ses inspirations, les métiers d’art qu’elle fait travailler et sa vision sur l’évolution du métier en ces temps bouleversés.

Magazine Acumen : Nous sommes sortis du confinement il y a quelques mois, comment avez-vous vécu cette période personnellement ?

Guendalina Litta : Tous les événements ayant été annulés ou reportés, j’ai profité de ce temps pour réaliser ce livre qui était en projet pendant le confinement.

 

MA : C’est votre deuxième livre. Quelle a été votre inspiration cette fois-ci ?

GL : J’avais fait un premier livre il y a quatre ans, L’art de la fête, qui était dédié à ce sujet en mettant en valeur de belles réalisations. J’avais en tête d’en faire un autre sans pour autant me donner de délai. Puis, une fois venue la pandémie, nous avons très vite réalisé que beaucoup d’événements allaient être annulés. J’ai donc appelé mon photographe Michaël Ferire, Priscille Neefs, la directrice artistique sans qui ce livre n’aurait jamais vu le jour et Kate Mascaro, la directrice éditoriale, pour proposer de travailler sur un deuxième livre. Cette fois, mon idée était de rendre hommage à toutes les personnes avec qui je travaille. J’avais déjà les photographies nécessaires, notamment grâce à Michaël Ferire qui me suit depuis quelques années. Il réalise toutes les photos de fêtes et de l’envers du décor. Nous sommes parvenus à faire ce livre en trois mois. J’ai voulu montrer l’inspiration qui donne naissance à mes réalisations, grâce à des clichés bien photographiés d’installations en cours, et aussi dévoiler les coulisses. De là est venu le titre Dream Makers: Bespoke Celebrations . La dernière page crédite toutes les personnes avec lesquelles j’ai travaillé, car sans elles, je ne serais pas allée très loin !

 

MA : Justement, pouvez-vous nous parler de votre équipe ? Qui sont les personnes qui interviennent pour organiser ces fabuleux décors de fête ?

GL : Je travaille avec des personnes et des métiers très divers. Tout d’abord, c’est en échangeant avec le client que l’on construit un projet formalisé. À partir de cette base, je m’entoure de personnes qui conviennent. Il doit se créer une réelle alchimie avec ces personnes. J’ai bien évidemment des fidèles, mais quand on organise une fête, on compose l’équipe au gré des projets, au fur et à mesure, et selon les désirs du client. Je regarde alors autour de moi pour trouver et choisir ces artisans. Il y a mille sources d’inspiration. Comme je fais ce métier depuis des décennies, certains artisans se présentent à moi, d’autres m’envoient leur candidature, et il y a aussi le hasard des rencontres. Il faut être curieux : aller voir des expositions, des mises en scène… J’ai rencontré également des artistes fascinants sur Instagram qui est le seul réseau social que je regarde. De fil en aiguille, je découvre des artistes que je contacte par la suite, et c’est ainsi que naissent les projets.

 

MA : Comment en êtes-vous venue à faire ce métier ?

GL : C’est arrivé totalement par hasard. J’ai commencé quand j’avais 16 ans pour rire, en aidant une amie qui m’avait demandé d’organiser avec elle une petite fête. Il y a quarante ans, ce métier n’existait pas. Il n’y avait même pas Internet ! J’ai commencé à travailler avec un traiteur puis, de fil en aiguille, avec des clients merveilleux qui m’ont fait confiance, et j’ai ainsi pris mon essor.

 

MA : Vos réalisations illustrent une créativité prolifique : d’où viennent vos inspirations ? Comment concevez-vous vos projets ?

GL : Elles viennent toutes seules ! J’ai de la chance, non ? En réalité, peut-être par habitude, en écoutant et en arrivant dans un endroit, l’inspiration me vient tout de suite. L’important selon moi est de respecter le lieu, car chaque endroit est différent. Je suis aussi entourée de personnes qui me comprennent immédiatement. Les alchimies se créent, et c’est vraiment important. C’est comme pour un chef : vous pouvez donner à dix chefs la même recette et les mêmes produits, mais vous aurez dix recettes différentes. C’est aussi un métier qui demande de l’écoute : il est essentiel d’entendre le commanditaire et de comprendre ses désirs. La première chose que je fais quand je commence un projet pour un client est d’aller voir dans quel univers il vit : même si une maison ne comporte qu’une seule pièce, on voit tout de suite l’atmosphère : si c’est rangé, si la personne aime les souvenirs, si sa décoration est chargée ou non. On peut ainsi s’imprégner inconsciemment du mode de vie de la personne pour créer quelque chose qui lui correspond. Ensuite, nous aiguillons le client et nous lui présentons un projet. Parfois, cela fonctionne, et parfois non. Cela dépend des gens, de nous-mêmes, des alchimies qui se font et des alchimies qui ne se font pas.

Guendalina Litta

MA : Selon vous, qu’est-ce qui fait votre style ?

GL : Ce que j’aime le plus, c’est notamment tout ce qui est baroque ou très chargé. J’ai cependant aussi fait des choses ultra contemporaines. C’est pour cela que nous nous entourons de personnes et de prestataires qui permettent d’avoir tous les styles imaginables. Il faut savoir s’adapter au souhait du client. Je pense que cela est vraiment très important. Mon style de fêtes, c’est un peu un mélange entre ce que j’aime et ce que mon client veut. Ainsi, une mariée voulait une fête tout en blanc : nous avons donc travaillé des décors tout blancs. Un autre client était fanatique des poissons rouges, et nous avons créé le décor autour des poissons rouges. Je présente ces exemples de manière amusante, mais tout cela est réel. Certains clients souhaitent un décor ultra sobre mais avec de la musique non-stop en faisant défiler quatre à cinq orchestres. Quand on sait que la musique doit prévaloir sur le reste, cela ne sert à rien de réaliser un décor très chargé. En fait, tout doit être personnalisé. Dans ce métier, il faut aussi savoir rester simple et humble.

 

MA : Est-ce que des événements sont plus difficiles à organiser que d’autres ? 

GL : Oui. Parce qu’on travaille dans des endroits très divers, certains lieux sont un peu plus compliqués à envisager. Mais quand on s’entoure des bonnes personnes et qu’on a de la bonne volonté, on y arrive toujours ! Évidemment, les imprévus s’invitent, mais on essaye de les gérer et de les anticiper. Par exemple, pour l’inauguration de la Fondation Carmignac sur l’île de Porquerolles, il a fallu mettre en valeur le lieu. L’événement devait rassembler 400 personnes au dîner et 800 personnes le soir, et nous avons voulu que notre intervention soit la plus discrète possible, que notre travail soit à peine décelable, car il fallait mettre en valeur ce lieu absolument magnifique. C’est un endroit réellement unique, c’est pourquoi nous avons fait extrêmement attention à le respecter : nous avons mis des planches sous les oliviers, et des petites lampes. Il y a eu énormément de travail accompli derrière cette fête, mais quand les invités sont arrivés, tout le décor semblait là depuis toujours. Il ne faut pas envahir un lieu. Dans le terrain de tennis, nous avions réalisé toute une décoration marron foncé pour justement ne voir que la nuit. Il y avait aussi des performances d’artistes. Quand quelqu’un me dit aimer la musique, je ne vais pas encombrer le lieu avec un décor inutile. Quand on vous confie de tels lieux, c’est inspirant. Nous avons également réalisé une magnifique fête à Fontainebleau, et nous avons fait des fêtes sur des plages. Je travaille sur tellement d’événements différents, dans des lieux divers, que je ne me mets jamais dans une seule case.

 

MA : Quel est l’aspect que vous préférez dans votre métier ?

GL : Les rencontres. Le côté humain et les rencontres, c’est vraiment tout ce qui m’intéresse parce que c’est grâce à cela que je mets de l’énergie dans ce que je fais et que je reçois de l’énergie pour organiser et concevoir une fête. Avoir la possibilité de travailler avec des personnes très différentes est un vrai plaisir. Dans sa tête, tout le monde a des images différentes de ce qu’il veut. C’est pourquoi je demande en général au client de me donner trois ou quatre images qu’il aime et, sur cette base, nous créons le décor. Le plaisir de ce métier est de faire plaisir. On nous confie une journée importante, et il faut la respecter et répondre au mieux au souhait du client.

Guendalina Litta

MA : Qu’est-ce qui est le plus difficile ?

GL : Même s’il y a des moments difficiles, on essaye de passer au-dessus. Il faut toujours essayer de voir le verre à moitié plein. Ce qui est très important, c’est que la confiance soit là, avec mes équipes et avec le client. Sinon, ce qui est un vrai challenge, c’est la météo. Même si on sait en général 48 heures à l’avance le temps qu’il va faire avec les prévisions des aéroports, il faut être prêt à tout changer si besoin. Avec de bonnes équipes, on trouve toujours des solutions.

 

MA : Le métier a-t-il évolué depuis vos débuts ?

GL : Oui, complètement. Je vais sans doute vous faire rire mais, à l’époque, on recherchait les prestataires sur des bottins téléphoniques. Maintenant, les bottins sont des pièces de musée. De temps en temps, mes enfants de 26 et 28 ans se fichent de moi et ils me remettent sur le droit chemin en me disant : « Maman, c’est bon, là tu es has-been à mort. »

 

MA : Depuis le Covid-19, quelle est la situation ?

GL : C’est l’inconnu total. On verra bien ce qui se passe quand les fêtes reprendront. Peut-être inventera-t-on des chariots roulants pour servir la nourriture ? Quand nous aurons des directives claires, nous pourrons recommencer à travailler sérieusement. Il faut mettre de la bonne énergie et nous tenir prêts à repartir.

 

MA : Comment envisagez-vous le futur ?

GL : J’ai un accord avec les personnes avec qui je travaille qui dit que tout est décalé jusqu’en avril 2021. Les fêtes que l’on nous confie sont d’énormes investissements. C’est aussi du stress. Ce que nous conseillons aujourd’hui à nos clients privés est de faire des réunions en petit nombre et, dès que l’on pourra, on organisera de grandes fêtes.

Sait-on ce qui va se passer dans six mois ? Non. Pour l’instant, nous devons vivre avec cela et garder ses distances. S’il faut tester chaque personne qui vient travailler, on le fera et, du côté des invités, on espère qu’ils feront eux-mêmes le nécessaire. En ce qui me concerne, cela n’a aucun sens de faire des fêtes de 60 personnes en ce moment, car il n’y a ni l’esprit ni l’envie.

 

MA : Quels sont vos autres projets en attendant ?

GL : C’est comme une fête : dès que vous finissez quelque chose, un nouveau projet germe dans votre tête. J’ai déjà un troisième et un quatrième livre en tête. J’espère ne pas avoir le temps de les réaliser, car cela voudra dire que nous recommençons à travailler ! Je vais voir comment les clients réagissent à cette publication. En tout cas, j’en suis fière ainsi que de tous ceux qui m’entoure pour réaliser ces belles fêtes.

Guendalina Litta

Dream Makers: Bespoke Celebrations de Guendalina Litta

Paru aux Éditions Flammarion, sortie prévue le 14 octobre 2020